Nettoyage larvaire - Partie II

Quelque part dans l’espace.
Frégate de classe Ombre.

Les frégates de classe Ombre étaient basées sur les Irae Tenebris, mais avaient été modifiées pour remplir des missions spéciales. Moins d’armement lourd, moins d’équipage. La coque des Ombres avait été lissée, et recouverte d’un matériau noir ayant la propriété d’absorber un large spectre de fréquences électromagnétiques. Les Ombres étaient des frégates rapides et furtives, équipées de sections modulables : dans un dock adapté, en clin d’œil, on pouvait enlever la moitié de l’intérieur du vaisseau, et le remplacer par d’autres équipements ; cela conférait aux Ombres une grande polyvalence. Ainsi, elles étaient utilisées lors de missions d’espionnages, ou pour larguer discrètement un colis depuis une orbite planétaire. Cette Ombre ci était en configuration reconnaissance et espionnage. Elle était bourrée de senseurs actifs et passifs en tous genres, et était équipée de baies de largage pour des sondes de reconnaissances. Ces minuscules engins, pourtant plus petits qu’un chasseur, pouvait voyager à des inimaginable pour n’importe quel autre vaisseau ; et pour cause, plus de la moitié du poids de l’engin était destiné à sa propulsion. Le reste, c’était un émetteur et des capteurs.

Sur la passerelle, le capitaine du vaisseau lisait attentivement les dernières recommandations de l’Amirauté. A quelques milliers de kilomètres de lui, neuf autres commandants faisaient la même chose. L’escadre de dix frégates Ombres allait arriver en bordure du territoire de la Suprématie, où elle devait se disperser, afin de couvrir le plus de terrain possible. Leur mission ? Pénétrer sans se faire remarquer dans l’espace de la Suprématie, afin de récolter un maximum d’informations sur le potentiel militaire de l’empire stellaire. L’équipage n’est pas plus effrayé que ça de devoir s’aventurer chez une des nations considérées comme les plus dangereuses : déjà, leurs vaisseaux étaient quasiment indétectables, à tel point qu’ils pouvaient passer échapper aux radars et autre senseurs du Cercle Shankari. Quand à les voir à l’œil nu… Leur livrée noire les rendait tout simplement invisibles, dans l’immensité de l’espace. Et puis, derrière eux, il y avait un classe Chimère de la Royauté du Béleste, un destroyer entier consacré à la surveillance et à l’espionnage, disposant de capteurs très longue portée, capable de les avertir si quelque chose qu’ils n’avaient pas vu leur arrivait dessus. Le Chimère allait servir de relais, permettant aux frégates de faire directement remonter ce qu’elles détectaient, via un signal codé changeant un nombre incalculable de fois de fréquences par seconde, pour éviter toute interception. Le signal était de plus dirigé, ce qui le rendait impossible à capter à moins que l’on se trouve sur sa trajectoire. Bref, le moyen de communication discret idéal. Et puis, encore plus, loin, ils étaient là. Attendant, placidement, qu’on ait besoin d’eux. Le Chimère leur retransmettait également toutes les informations récupérées par les Ombres. Eux, c’était le Vengeance et la centaine de vaisseau qui l’accompagnait. La Sixième Flotte Coalisée au complet, prête à agir au besoin.

« -Capitaine, approchons de la zone d’opérations. Parés pour dispersion.
-Très bien. Entrez les nouveaux vecteurs de routes. Passez en silence radio hormis vers le Chimère. Senseurs passifs uniquement, on passera en actif quand on en saura un peu plus.
-A vos ordres. Entrée dans le territoire Krim dans cinq minutes. »

Bientôt, les frégates commencèrent à se disperser, et l’escadre perdit sa structure. Se fondant dans la noirceur du vide interstellaire, elles réduisirent leur vitesse, avant de s’enfoncer dans le territoire de la Suprématie. Après quelques jours de voyage, elles allaient véritablement commencer leur mission.

« -Très bien. Analystes, à vos postes, commencez les scans approfondis des environs. Si il y a ne serait-ce qu’une sonde de reconnaissance acoustique Krim dans le coin, je veux le savoir ! »

Dans les entrailles du vaisseau, un équipage spécialisé commença à travailler, décryptant chaque signal capté par la frégate. Il fallait éliminer les bruits parasites, remonter les sources, les localiser, puis analyser la forme du signal, pour en déterminer quelle était la source. Un travail qui allait les occuper pendant quelques jours…

Sur les écrans défilaient sans cesse de nouvelles informations Des données chiffrées en vrac, des coordonnées stellaires et bien d’autres. Les systèmes automatisés faisaient le tri, mais les analystes avaient encore du boulot parmi tout ce qui passait les filtres. Malgré tous les bruits parasites, les scanners passifs avaient réussi à détecter quelques convois de cargos, des corvettes, mais rien de plus gros. Pour le moment, le potentiel militaire Krim semblait assez restreint.

« -Troisième secteur balayé capitaine.
-Très bien. Avançons encore un peu.
-A vos ordres. Secteur quatre. »

La frégate pénétra encore un peu plus dans l’espace de la Suprématie, et se rapprochait des planètes extérieures. Sur la passerelle, l’équipage restait sur le qui-vive, à la recherche du moindre signe leur faisant dire qu’ils étaient traqués. Quelques ponts plus bas, l’ambiance était autre.

« -Confirmation echo, douze degrés haut, vingt degrés six minutes d’arc starbord.
-Confirmé. Distance trois cent unités astronomiques.
-Astre à proximité ?
-Négatif, aucun corps planétaires.
-Compris. Contact Krim potentiel. Réduction distance à deux cent UA, affinez.
-Reçu… Caractéristique, cargo. Estimation taille, moyenne, estimation nombre, douzaine. Signaux de faibles amplitudes.
-Pas d’intérêt. Suivant. »

Les minutes, puis les heures passèrent pour les analystes, alors que la frégate voyageait lentement dans l’espace Krim. Au fur et à mesure qu’elles s’écoulaient, il y a avait de quoi se demander si la Suprématie était doté d’une flotte militaire, car ils n’avaient rien trouvé.

« -Confirmation echo, dix-neuf degrés bas, treize degrés quarante-cinq minutes d’arc spacebord.
-Confirmé, à quatre cent UA. Pas d’astres à proximité.
-Signal fort. Multiples échos.
-Transmissions non dirigées. Cryptées.
-Militaire ?
-Probablement.
-Ok, on s’approche. »

L’analyste en chef détermina transmit rapidement les coordonnées de l’objectif au capitaine, et la frégate changea de cap, s’approchant silencieusement de la source d’émission.

« -Estimation taille… Destroyers.
-Bingo ! Nombre ?
-Six. Echos troubles à proximité, signatures masqués par les destroyers. Probabilité élevée frégate. Nombre inconnu.
-Transmettez l’info. »

La présence des destroyers Krims fut rapidement répercutée, au Chimère et au Vengeance. Mais pour le reste, la zone était calme.

VCS Vengeance, vaisseau-amiral de la Sixième Flotte Coalisée Shankari
Extérieur du territoire de la Suprématie.

« -Nouveau rapport, six destroyers et nombre inconnu de frégates.
-Nouveau rapport, convoi de corvettes. Estimation, entre trente-trois et trente-cinq. »

Sur le vaisseau amiral, les choses étaient différentes. Le Vengeance recevait des rapports des dix frégates, et à chaque fois, un nouveau point apparaissait sur une carte tactique, désignant la dernière position connue du groupe, ainsi qu’une estimation de trajectoire. Une petite bulle à côté indiquait la composition de la flottille détectée. Jusque-là, le Vengeance se contentait de frégates et de corvettes, ainsi qu’une d’une petite dizaine de destroyers, alors que les frégates avaient ratissé un secteur qui commençait à être vaste, après une bonne demi-journée de recherches. Sur la passerelle, l’Amiral Almak Hynta, aux commandes de la Sixième Flotte, observait le déroulement des évènements.

« -Bon. Soit les Krims cachent bien leur jeu, soit on s’est fait des idées.
-Rapport, huit destroyers.
-Tiens donc. Enfin quelque chose de conséquent. On dirait que les Ombres ont déniché le terrier. Situation de la flotte ?
-Toutes les escadres prêtes à intervenir.
-Mouai. On est toujours en tir restreint. »

Classe Ombre, en approche d’une planète de la Suprématie.

La frégate avait encore ralenti, et s’approchait imperceptiblement d’une planète Krim. A bords, les analystes commençaient à voir débouler sur leurs écrans une quantité importante de données.

« -Multiples échos confirmés, orbite haute. Format ion serré.
-Militaire ?
-Probabilité élevée ? On passe sur les senseurs actifs ?
-Négatif déployez des sondes. Pas envie qu’ils puissent repérer le vaisseau.
-A vos ordres. »

Les baies de largage de la frégate s’ouvrirent, laissant filer trois sondes aussi noires que le vaisseau. Les trois engins se dispersèrent rapidement, de manière à former un triangle autour de la planète concernée. La totalité de la mise en place ne pris qu’une quelques minutes, à cause de la vitesse plus qu’élevée des sondes.

« -Sondes en place.
-Senseurs actifs, en mode périodique. Pas continu.
-A vos ordres. Echo lancé. »

Les senseurs actifs déployés, la vision des vaisseaux Krims s’affina d’un seul coup. Plutôt que de se contenter de capter les signaux, le vaisseau disposait à travers ses sondes de ses propres émetteurs-récepteurs. Cela augmentait la chance d’être repéré, mais même si les Krims trouvaient les sondes, la frégate aurait largement le temps de quitter la zone d’opérations.

« -Contact confirmé avec groupe de combat Krim. Multiples vaisseaux en structures de radoub.
-Bien, ils devraient donc rester encore un peu là.  Composition ?
-Equivalent destroyers par quinze, frégates par cinquante. Corvettes par soixante-dix à quatre-vingt, plus vaisseaux de transports par dix-sept.
-Transports cargos ?
-Caractéristiques de cargos, mais aussi d’assaut. Il y a de quoi aborder des bases orbitales.
-Opérations au sol ?
-Négatif, pas assez d‘appui aérodynamique avec cette structure.
-Au moins, l’invasion, ce n’est pas pour tout de suite. Rien d’autre ?
-Négatif.
-Très bien, transmettez. On rembarque les sondes et on se casse.»

VCS Vengeance .

« -Salut, vous… »

Sur la passerelle, l’Amiral Hynta observait les derniers rapports. C’était le premier véritable groupe de combat que les frégates dénichaient pour le moment. Les analystes du Vengeance se plongeaient à leur tour sur les rapports, pour avoir plus de précisions sur les vaisseaux que la frégate venait de débusquer.

« -Alors, ça donne quoi ?
-Rien de très surprenant, amiral. Niveau taille, on est dans les standards de l’Alliance. Structure majoritairement organique.
-Niveau armement ?
-Des sortes de canons organiques. Pas vraiment ce qu’on utiliserait. Toujours est-il que les armes à énergies et à rayons feraient un carton là-dessus. Les missiles aussi, mais les projectiles cinétiques… Ils sont prévus pour perforer du blindage. A tous les coups, ils se contenteraient de transpercer le vaisseau, s’ils ne croisaient aucun équipement critique sur leur chemin. Les seuls trucs métalliques ou minéraux là-dedans, ça doit être la propulsion et les commandes. Quoique j’aie encore des doutes là-dessus, un contrôle neural me semblerait approprié.
-Un Krim contrôlerait un destroyer par son esprit ?
-Pas un. Impossible. Mais si vous connectez un nombre suffisant de Krims, vous devriez pouvoir créer un équivalent à nos IA. En moins performant et fiable.
-Et si on tape dans la zone où ils sont connectés ?
-Plus de vaisseau.
-Bon à savoir, merci Lieutenant. Il faudra qu’on essaie d’en savoir plus sur leur armement. On a retrouvé des débris de l’attaque du convoi ?
-Négatif, ou alors rien d’exploitable. Les vaisseaux envoyés pensent que les Krims ont fait le ménage, en enlevant les morceaux présentant des signes d’impacts. Les explosions internes ont fait le reste.
-Donc ils ne veulent pas qu’on sache comment fonctionnent leurs armes…
-Il semblerait que non, Amiral. »

Les vaisseaux Krims détectés l’avaient été dans le territoire Krim, aussi le Cercle ne pouvait pour le moment pas se lancer à leur poursuite. Foutue résolution, pensa Hynta. Si cela ne tenait qu’à elle, cela ferait longtemps que les canons à plasma auraient parlé.

« -Bon, je descends faire un rapide rapport à l’Amirauté. Maintenez les escadres en alertes, et prévenez-moi s’il y du nouveau.
-A vos ordres. »

Les Ombres continuaient leur mission de surveillance. Pour le moment, aucune d’entre elles n’avait été repérée : dans l’immensité de l’espace, repéré un vaisseau de seulement quelques centaines de mètres, spécialement conçu pour être invisible était quasiment mission impossible. De plus, les Ombres étaient extrêmement véloces, ce qui les rendaient virtuellement ininterceptables. En dehors du territoire de la Suprématie, le Chimère continuait de traquer à très longue portée le moindre signal susceptible d’aiguiller les frégates sur une voie bien précise. Encore plus loin, la Sixième Flotte Coalisée, attendait, placide, l’opportunité pour intervenir. Sur le VCS Vengeance, les analystes continuaient d’éplucher les données sur les vaisseaux Krims. Le Cercle n’avait jamais combattu la Suprématie, et ne savait donc pas à quoi s’attendre face à ces vaisseaux essentiellement organiques.

« -Amiral, communication entrante du Chimère !
-Mettez-moi en ligne.
-Fait, Amiral.
-Chimère, ici VCS Vengeance, quelle la situation ?
-Vengeance, avons quatre contacts, estimation destroyers, en approche de notre position.
-Trajectoire d’interception ?
-Négatif, ils ne doivent pas encore savoir que nous sommes là. Nous allons dégager la zone.
-Un instant. ETA ?
-Jusqu’à portée de tir ?
-Affirmatif.
-ETA… Treize heures.
-Reçu. Attendez. Lieutenant, combien de temps pour atteindre le Chimère ? Avec un Salvis ?
-Moins de dix heures, Amiral. »

L’absence bouche réduisait largement le nombre de sentiments transcriptibles par le visage des Shankars. Bien qu’il fût impossible de parler de sourire carnassier, le visage d’Hynta transmettait malgré l’impatience du carnage qui s’annonçait.

« -Merci. Chimère, ici Vengeance, ne quittez pas votre position, je répète, ne quittez pas votre position. Nous vous envoyons une escadre, arrivée dans moins de dix heures.
-Vengeance, ils vous repéreront assez tôt.
-J’en suis conscient, mais nous resterons à portée. Si les destroyers appartiennent à la Suprématie et qu’ils vous attaquent, nous riposterons.
-Vengeance, vous ne pouvez pas riposter sans l’autorisation du Conseil.
-Chimère, nous avons l’autorisation du Conseil de répondre à toute agression envers le Cercle. Cette mission est sous l’autorité du Cercle, et votre vaisseau ne fait pas exception. Une attaque contre votre vaisseau revient à attaquer le Cercle.
-Nous ne pouvons pas vous laisser opérer de la sorte.
-Chimère, le haut commandement de la Royauté a proposé de mettre à notre service votre vaisseau. Le Cercle Shankari est aux commandes de l’opération. Je répète les ordres, ne quittez pas votre position, notre escadre sera prête à intervenir. Amiral Hynta, VCS Vengeance, terminé. »

L’amiral coupa net la transmission. Pas la peine de discuter plus. Il allait envoyer des vaisseaux, et les destroyers, qui appartenaient probablement à la Suprématie, allaient être littéralement anéantis.

« -Deuxième escadre, ici l’Amiral Hynta. Faîtes route dès réception de l’ordre vers le destroyer Chimère de la Royauté. Informations complémentaires en cours de transmission. Comparez votre ETA à celle des destroyers, probablement Krims. Débrouillez-vous pour avoir une ETA de quelques minutes supérieure. Si jamais ils attaquent le Chimère, vous avez l’autorisation d’ouvrir le feu, sans retenue sur les armes.
-Bien compris, amiral. Deuxième escadre en mouvement. »

Deux croiseurs de bataille, quatre destroyers de première ligne et quatre autres destroyers de bataille quittèrent bientôt la Sixième Flotte, pour rejoindre le destroyer espion de la Royauté. L’escadre offrait une puissance de feu capable d’anéantir sans difficulté une flottille Krim largement inférieure en nombre et en tonnage. Derrière eux, les deux escadres restantes du mur de bataille de la flotte se repositionnaient, pour ne pas offrir de brèche menant droit au vaisseau amiral.

« -Lieutenant, deviez l’Ombre la plus proche du Chimère vers la trajectoire des destroyers. Transmettez à toute la flotte, mise en mouvement, on se rapproche de la zone d’opération. Ouvrez-moi un canal, y compris vers la deuxième escadre.
-Compris. Message transmis, canal ouvert.
-A toute la flotte, ici l’Amiral Hynta. Nous nous rapprochons du territoire de la Suprématie, et allons peut-être avoir à les combattre. Nous n’avons aucune idée de la puissance de leur vaisseau, aussi ne prenez aucune risque inutile, et ouvrez le feu dès que possible. Nos experts estiment que l’efficacité des armes cinétiques devrait être réduite du fait de la structure organique de leurs vaisseaux, mais en contrepartie, les autres armes devraient être plus mortelles que jamais. Que tous les vaisseaux vérifient leur armement, ainsi que leurs boucliers. Il est possible que ces derniers ne soient d’aucune utilité contre les armes de la Suprématie, tout reposera donc sur le blindage. Lors des combats, veillez donc à porter une attention toute particulière à l’intégrité structurelle de la coque. Hynta, terminé. »

Tandis que les dix vaisseaux de la dixième escadre fonçaient vers le Chimère, la Sixième Flotte se mettait lentement en mouvement, autour du Vengeance ; quatre-vingt-dix vaisseaux s’approchaient ainsi du territoire de la Suprématie. Hynta sentait enfin que les choses allait bouger ; il n’avait rien contre les missions de reconnaissance, celles-ci étaient d’ailleurs nécessaires, mais la Sixième Flotte n’était pas venue pour faire de la figuration. Si elle serait près du Chimère dans plus de dix heures, la deuxième escadre serait elle bien au rendez-vous pour accueillir les possibles vaisseaux Krims.

Plusieurs heures plus tard, la frégate furtive déviée s’approchait de la trajectoire des destroyers. Elle coupa ses propulseurs, et attendit, invisible, que les destroyers s’approchent. Quelques minutes plus tard, un message retentissait sur la passerelle du Vengeance.

« -Affiliation confirmée, Suprématie Krim. Alerte, modification de la trajectoire, vecteurs d’interception sur le Chimère !
-Parfait ! Transmettez à la deuxième escadre. »

Sur le croiseur Salvis aux commandes de l’escadre, le capitaine de vaisseau écouta attentivement les dernières informations transmises par le Vengeance. Les Krims se décidaient donc à passer à l’action, et une action qui allait sonner leur glas.

« -A tout le personnel, passage en mode combat, je répète, passage en mode combat ! Toutes les batteries doivent se tenir prête à ouvrir le feu. Personnel médical et ingénieurs prêts à intervenir. ETA, quarante-trois minutes !
-Capitaine, ETA Krim de quarante minutes.
-Parfait, parfait. Le destroyer pourra bien tenir trois minutes. Ou alors je ne fais plus jamais appelle aux vaisseaux de la Royauté. »

Les vaisseaux Shankari fonçaient sur leur cible. Dès que celle-ci ouvrirait le feu sur le Chimère, elle signerait son arrêt de mort. Deux croiseurs et huit destroyers allaient déverser leur armement sur quatre destroyers. Et même s’ils ne se servaient pas d’artillerie cinétique, les charges nucléaires, et la vaste gamme d’armes à énergie allaient tailler les vaisseaux Krims en pièce.

A proximité du Chimère.

« -Destroyers Krims en approche rapide. Estimation portée de tir, douze minutes.
-ETA ?
-Quinze minutes.
-Ça fera l’affaire. Chimère, mettez toute la puissance dans les boucliers, mais soyez prêts à dégager dès que nous engagerons les Krims.
-Chimère, reçu. Passons en mode défense.
-Deuxième escadre, compris »

Les minutes s’écoulèrent, rapprochant inexorablement les destroyers Krims du vaisseau de la Royauté Bientôt, ceux-ci arrivèrent à portée de tir du vaisseau espion. Étaient-ils au courant de l’arrivée imminente des vaisseaux du Cercle, peut-être, mais ils ne semblaient pas s’en soucier. Grave erreur de leur part. Les premiers tirs des canons organiques fendirent l’espace entre les deux vaisseaux, et les boucliers du Chimère ne furent d’aucune utilité face aux projectiles, n’étant ni métalliques ni énergétiques.

« -Ici Chimère, boucliers inefficaces, je répète, boucliers inefficaces !
-Chimère, compris. Préparez vos moteurs, ça va cogner. A tout le personnel, les boucliers semblent comme prévus inefficaces, portez donc une attention toute particulière à la coque. Redirigez une partie de la puissance vers l’armement. Armez la grille de défense.
-A vos ordres. Arrivée, une minute.
-Ouvrez le feu dès entrée des vaisseaux dans l’enveloppe de tir. Pas de restrictions. »

Les dix vaisseaux lourds de l’Alliance sortirent de l’espace de distorsion juste à côté du Chimère, alors que les Krims étaient occupés à le bombarder. Les projectiles organiques furent bientôt accompagnés par des cinétiques, des tirs de lasers et plasma. Les traits lasers atteignirent les premiers les destroyers, mais se contentèrent de transpercer la structure organique, sans créer de véritables dommages. Les résultats furent les mêmes avec les obus, bien que l’énergie cinétique dégagée créait de nombreux trous dans la coque. Les destroyers Krims pivotèrent, pour se repositionner face au danger. Mais déjà, les boules de plasma arrivaient sur eux. Au contact de la matière, toute l’énergie se dissipa, volatilisant instantanément les alentours de l’impact. Sur les vaisseaux du Cercle, les officiers contemplèrent les dégâts.

« -Efficacité maximale des canons à plasma, capitaine.
-Je vois ça. A tous les vaisseaux, toute la puissance dans le plasma, je répète, toute la puissance dans le plasma. »

Les Krims ripostèrent, et leurs projectiles vinrent s’écraser sur les coques de l’Alliance, sans se soucier de leurs boucliers, alors que la grille de défense, majoritairement composée de tourelles lasers, ne parvenait pas à stopper efficacement les projectiles. Les attaques acides commencèrent lentement à ronger la coque, tandis que le Cercle continuait de tirer. Les deux groupes de combat continuaient de se rapprocher, et les canons à rayons ionisants du Cercle purent ouvrir le feu. La matière organique fut brulée vive par l’énergie dégagée par les particules, endommagent en profondeur les organites composant la coque. L’ADN même fut touché, empêchant les fonctions régénératrices de faire correctement leur œuvre. Sur le Salvis aux commandes de l’escadre, le capitaine analysait rapidement la situation.

« -Capitaine, Chimère hors de portée des Krims.
-Compris. Formation ligne. Pleine salve sur mon ordre. »

Les dix vaisseaux pivotèrent, exposant leurs flancs aux Krims, mais aussi la une bonne partie de leurs armes. Cette formation maximisait la puissance de feu, délaissant la défense, mais à plus de deux contre un, sans compter un tonnage supérieur, il n’était pas nécessaire de faire dans la demi-mesure. Simultanément, tous les canons plasma orientés vers l’ennemi ouvrirent le feu. Des dizaines de projectiles fendirent l’espace, avant de s’écraser sur les coques ennemies, détruisant des sections entières. Petit à petit, les Krims perdirent leurs armes, et leurs systèmes de propulsion. De l’autre côté, le blindage au rosarium du Cercle faisait son œuvre, empêchant l’acidité de s’enfoncer plus profondément à l’intérieur du vaisseau.

« -Lieutenant, finissez-les. Missiles, feu. »

Sur dix vaisseaux, des tubes lance-missiles sortirent de la coque, et pivotèrent vers l’ennemi. Des dizaines de projectiles décrivirent une trajectoire rectiligne vers les vaisseaux ennemis, laissant derrière eux une trainée rosâtre due aux propulseurs embarqués. A l’approche des vaisseaux Krims, ils se dispersèrent et décrivirent des trajectoires aléatoires, manœuvres permettant d’éviter les éventuelles défenses ennemies. Sur le Salvis, on n’attendait que les déflagrations.

« -Explosions dans trois… Deux… Un… Détonation. »

Les charges de fusion embarqués furent activées, créant des ondes de choques de plusieurs dizaines de mégatonnes de puissance, alors que la puissance combinée de la bordée devait approcher la gigatonne. Le souffle déchira des sections entières, séparant littéralement des parties des destroyers, coupant même l’un d’entre eux en deux. Les derniers projectiles organiques furent tirés, et vinrent s’écraser sur le blindage de l’Alliance.

« -Plus aucun signe d’activité sur les vaisseaux Krims. Destruction confirmée, quatre destroyers de la Suprématie.
-Transmettez au Vengeance. Rapport de dégâts ?
-Un destroyer nous rapporte une faiblesse structurelle sur une zone peu protégée. Pas de blessés. Ils n’étaient pas assez nombreux, capitaine.
-Capitaine, le Vengeance donne l’ordre d’attendre sur zone, afin que la flotte puisse analyser les débris. Arrivée prévue dans trois heures.
-Aucune menace détectée ?
-Rien pouvant nous atteindre dans ce délai.
-Parfait. A tout l’équipage, beau travail. Première victoire sur la Suprématie, vous pouvez être fiers de vous. »

Un hurlement collectif retentit dans le vaisseau, remontant de ses entrailles et des générateurs jusqu’à la passerelle. Le Cercle s’était enfin vengé. Quatre destroyers l’avait attaqué, quatre avaient étés détruits. Peut-être pas les mêmes, mais la chose importait peu. L’acte était là, et c’était ce qui comptait. Face à une flotte supérieure en nombre, et composé de croiseurs beaucoup plus puissants, la flottille Krim n’avait pas fait long feu. Les vaisseaux Krims avaient distillés la puissance de feu qu’ils pouvaient délivrer, au lieu de la concentrer sur un seul vaisseau. Conséquence, les dégâts n’avaient pas été suffisants pour endommager de manière conséquente les vaisseaux du Cercle.

« -Lieutenant, dîtes à tous les ingénieurs de se focaliser sur les effets des impacts Krims. Je veux des hommes sur la coque dans la demi-heure, pour inspecter les zones d’impacts. Je veux tout savoir, notamment si ça risque de poser problème à long terme.
-A vos ordres, capitaine.
-Que tout le personnel reste en état d'alerte. Si on a a nouveau de la compagnie, ça sera surement pas aussi facile. »

« -Deuxième Escadre, ici Vengeance, nous arrivons.
-Bien compris Vengeance, content de vous voir dans le coin. »

Bien que rien n’était venu menacer la Deuxième Escadre, ses dix vaisseaux furent soulagés de retrouver le reste de la flotte, ne la laissant plus sans défense face à une éventuelle riposte. Surtout qu’à priori, les Krims s’attendraient à combattre dix vaisseaux, pas dix fois plus. Autour des vaisseaux de la deuxième escadre flottaient un bon nombre de petites navettes. Sur la coque des montres métalliques, des fusiliers de la flotte, solidement attachés avec leurs semelles magnétiques, aidaient les ingénieurs dans leur tâche. Ces derniers analysaient les dégâts causés par les vaisseaux Krims. De leur bord, les sveltes frégates du Cercle se rapprochaient des débris des vaisseaux Krims, histoire d’en analyser la structure, et ce qu’ils pouvaient en tirer. Toutes ces opérations durèrent plusieurs heures, sans compter le temps que les ingénieurs de la Deuxième Escadre retapent un peu les coques endommagées ; examiner un vaisseau de plusieurs kilomètres de long n’était pas une mince affaire. Une fois que tout le personnel fut rentré à bord et les résultats analysés en détails, l’Amiral Hynta convoqua une réunion avec stratégique avec son état-major, les commandants des différentes escadres, les analystes et ingénieurs. Dans la salle de conférence du Vengeance, seuls se tenaient Hynta, l’état-major et quelques analystes. Les autres participants étaient à bord d’autres vaisseau, et leur hologramme s’affichait autour de la large table ovale de la salle de conférence.

« -Très bien, commença Hynta, nous savons tous ce qui vient de se passer. Ce que je veux savoir maintenant, c’est à qui nous avons affaire, et quelles seront nos armes contre eux.
-Leurs vaisseaux et leur armement sont différents des nôtres. Très différents. La quasi-totalité est organique, aussi bien structure qu’armement. Nos analyses ont montré que la structure de leurs vaisseaux est composée de cellules génétiquement modifiées pour pouvoir résister au rayonnement ambiant de l’espace, ainsi qu’aux conditions de température et de pression. Le tout en gardant un espace viable à l’intérieur. De plus, elles semblent dotées d’une fonction réparatrice. Sur les cellules étudiées, d’infimes découpes lasers se sont vues colmatés en un laps de temps très court. A l’échelle d’un vaisseau, cela pourrait s’avérer important.
-En clair, leurs vaisseaux pourraient s’auto-réparer ?
-Oui, mais surtout continuellement. Pas besoin d’intervention extérieure.
-Bon à savoir. Quoi d’autre ?
-La composition organique rend les vaisseaux plus sensibles aux attaques, mais elle reste incroyablement résistante, et c’est sans compter sur la régénération. Il ne faudra donc pas lésiner sur les moyens pour les abattre.
-En parlant de ça, notre armement ?
-Nous risquons d’avoir un problème avec les obus cinétiques. Ils été conçus dans l’hypothèse d’un impact avec une surface extrêmement dur, libérant d’un seul coup leur énergie. Pour vous dire, si nos coques sont dures, ces des Krims sont souples, et les obus passeront purement à travers. Même les deux canons cinétiques capitaux du Vengeance ne seront pas très efficaces.
-Ce n’est pas très engageant, capitaine.
-Rassurez-vous amiral, j’ai de bonnes nouvelles. Premièrement, l’armement à rayons ionisants. Les cellules Krims résistent aux radiations ambiantes, mais sont vulnérables à un rayonnement de type militaire, beaucoup plus puissants. Petite parenthèse, si les Krims ne s’aventurent pas vers le cœur du cosmos, c’est surement pour ça : leurs vaisseaux seraient grillés vifs à l’approche d’Oxus, quand nos boucliers font le travail.
-Les conséquences de ce rayonnement ?
-Classique sur de l’organique : destruction génétique, notamment des fonctions de régénération, dégénérescence cellulaire. En clair, ça rend les cellules inertes, et pas plus fortes que des feuilles. Je conseillerai aux ingénieurs d’essayer d’augmenter la portée des canons à rayons, qui reste assez restreinte.
-Très bien, je ferai passer le message. Autre chose ?
-L’armement plasma. Hautement énergétique, désintégration instantanée des zones impactées. Effets démultipliés, mais attention à la régénération, en face. Je conseille d’utiliser l’armement plasma contre les Krims. Dernier point, les ogives à fusion : rien à redire dessus, aussi efficaces qu’à l’accoutumée. Dans notre cas, ont l’avantage de combiner effet de souffle et radiations, grosso modo l’effet du plasma et du rayonnement réunis. A ne pas négliger non plus. Dernière chose, ils n’ont pas de boucliers. Ou du moins, rien qui ne semble stopper de l’armement énergétique.
-Et à propos de leur armement, et de notre défense.
-Commençons par les choses qui fâchent : nos boucliers nos inutiles contre eux. Rien d’énergétique, rien de métallique, soit ce que nos boucliers sont censés stopper. La grille de défense ? Pas au top non plus. Leur armement est organique, majoritairement des sortes d’attaques acides, mais aussi des processus de recomposition chimiques qui altèrent la coque de nos vaisseaux, et de manière surprenante, des oxydations. Et à long terme, cela risque de poser problèmes.
-C’est-à-dire ?
-Tous les armements connus étaient efficaces à l’impact et juste après. Celui des Krims agit en un laps de temps plus long, et peut endommager un vaisseau longtemps après un combat. On parle peut-être de jours, voire de semaines !
-Merde… On peut y faire quoi ?
-Nettoyer la plaie. Tuer toutes les cellules actives, c’est le seul moyen d’empêcher la propagation des effets. C’est ce qui a été fait sur plusieurs impacts sur les vaisseaux de la Deuxième Escadre, à l’aide de lasers et de rayonnement ionisant. Mais cela prend du temps, et se remettre totalement d’un combat contre les Krims sera plus long que tout ce que nous avons connus.
-Mouai. Qu’est-ce que vous concluez de tout ça ?
-Cinquante cinquante, balle au centre. Tant qu’on n’aura pas affaire à un combat de grande ampleur, je ne peux rien prédire. Notre armement semble efficace, mais on risque d’avoir des problèmes contre des vaisseaux plus gros, avec des facultés de régénération plus avancées. Notre défense, bien que réduite dans ses capacités, devrait pouvoir tenir. Tout se jouera sur le blindage.
-Merci, capitaine. Commandants, voici donc ce dont nous disposons. C’est mince, mais nous devrons faire avec. Un rapport est en cours de transmission vers l’Amirauté, ils se pencheront également sur le problème. Des questions ? »

Personne ne releva. Hynta mis donc fin à la conférence, laissant ses commandants faire circuler les informations au sein de la flotte. L’amiral remonta sur la passerelle, pour voir ce qui s’était déroulé pendant qu’il écoutait les recommandations des analystes et ingénieurs de la flotte. De toute manière, si quelque chose d’important avait eu lieu, il en aurait été averti.

« -Lieutenant, rien à signaler ?
-Négatif, Amiral. Les Ombres sont toujours en mission, le Chimère s’est rapproché de nouveau. Il reste néanmoins à l’écart de la flotte pour éviter d’être repéré.
-De toute façon, on attirera bien plus l’attention que lui.
-En effet. Quels sont les ordres, amiral ?
-Attendre, on ne peut pas faire grand-chose de plus. Restez en alerte, pas envie de me faire avoir par surprise.
-Compris. »

Immobiles dans l’espace, la Sixième Flotte se remit donc à attendre qu’une nouvelle opportunité se présente pour elle. Peut-être allait-elle faire face à une plus grosse flotte Krim, ou peut-être allait-elle devoir se contenter d’une longue et inutile attente…

« -Sixième escadre en difficulté, Amiral.
-Rompez la formation. Huitième escadre, déportez-vous par-dessus le reste de la flotte, inclinez sur starbord pour aider la Sixième Escadre.
-Huitième escadre, compris, en mouvement.
-Ca ne suffira pas, Amiral.
-Neuvième escadre, portez également assistance. Troisième escadre, pas d’ennemis devant, faîtes demi-tour au plus vite. Lieutenant, position des forces ennemies ?
-Huit croiseurs et seize destroyers sur notre starbord. Trois croiseurs et neuf destroyers en approche par spacebord, élévation trente-huit degrés. ETA, huit minutes quarante-cinq secondes.
-Vas falloir la jouer serrer.
-Corps spacebord et Deuxième escadre, alignez-vous avec la flotte ennemie. Accélérez au dernier moment au maximum de vos capacités pour prendre l’avantage de la vitesse. Cinquième escadre, restez sur le Vengeance.
-Amiral, le corps starbord est en difficulté. Nos flancs nos exposés, confirmons la perte de deux destroyers. Brèche stratégique détectée. Recommandons appui-feu immédiat.
-Bordel, où est la troisième ?
-Toujours en manœuvre. Les escadres de l’arrière garde ne suffiront pas.
-Très bien… Cinquième escadre, virez au maximum sur starbord ! Sixième, pivotez de quatre-vingt degrés vers l’extérieur, présentez votre proue ! »

Autour du Vengeance, les lourds vaisseaux qui formaient le véritable cœur de la flotte pivotèrent, et s’engouffrèrent dans la brèche volontairement créée par les vaisseaux latéraux du Cercle. Presque aussitôt, ils délivrèrent leur armement, ciblant les destroyers ennemis qui arrivaient droit devant eux. De l’autre côté, le second latéral se repositionnait pour faire face aux futurs arrivants, qui allaient bientôt encercler la flotte du Cercle. Les pertes de la Sixième Flotte avait déjà été lourdes, et les vaisseaux ennemis continuaient de délivrer leu feu infernal, rongeant petit à petit les capacités de riposte Shankari.

« -Amiral, confirmons la perte de l’arrière-garde. Plusieurs destroyers détruits et croiseurs endommagés.
-Très bien, très bien… Suffit ! »

Le noir de la salle de conférence laissa place au champ de bataille s’y tenant jusqu’à alors. Hynta était visiblement contrarié. Certes, pour il avait peut-être un peu forcé sur la puissance des vaisseaux ennemis dans les paramètres de la simulation, mais on n’était jamais trop prudent.

« -Il reste encore des choses à revoir…
Sauf votre respect amiral, ce n’est pas demain qu’on croisera un croiseur qui peut en détruire un autre d’un seul tir.
-Le Vengeance peut le faire.
-Ce n’est pas ça que je voulais dire, amiral. J’entendais sur n armement de base, les tourelles mobiles, pas de l’armement capital à faible cadence de tir.
-Ne jamais sous-estimer son adversaire, capitaine. Face à éventuel un adversaire de cette puissance, il nous faudra revoir les manœuvres Diamant et Représailles. Que les analystes se penchent là-dessus, j’y jetterai également un coup d’œil dès que possible. Il faut que l’ingénierie s’occupe des capacités de pivot des Atrax, elles ne sont pas suffisantes.
-Ce n’est pas nouveau, amiral, mais les Atrax ne sont pas fait pour protéger les flancs. La taille de leur proue la rend peu maniable.
-Eh bien, trouvez-moi un moyen de les faire bouger plus vite ! Si on les avait eus sur starbord, ça nous aurait évités de perdre les Silencis !
-Il faudrait rajouter des propulseurs d’étraves Amiral, ça serait la seule solution réellement efficace.
-Autrement dit, il faut des chantiers orbitaux, l’aval de l’Amirauté, trois tonnes de paperasse et deux ans de discussions budgétaires…
-C’est à peu près ça, Amiral.
-Très bien, dans ce cas… Un instant. »

Hynta avait interrompu son discours pour jeter un œil au message en haute priorité qui venait de lui parvenir. Il fronça les sourcils, avant de se lever, et de couper court à la conférence de post-simulation.

« -Commandants, on reprendre ça une autre fois, nous allons peut-être avoir de la visite. »

L’Amiral Hynta remonta sur la passerelle, où l’agitation s’était amplifiée. En le voyant arriver, les officiers présents se raidirent, tandis que leur chef s’asseyait sur son fauteuil et commençait déjà à afficher les informations sur son écran personnel

« -Lieutenant, j’attends toujours !
-Euh, oui Amiral, désolé. Info relayée par une Ombre, en mouvement dans notre direction, estimation quinze destroyers et cinquante frégates, corvettes par soixante-dix à quatre-vingt
-Ce n’est pas le groupe de combat détecté par les Ombres tout à l’heure ?
-Affirmatif, Amiral. Ils n’ont juste laissé leurs transporteurs sur zone.
-Et ils nous envoient ça ? Contre toute la Sixième Flotte ?
-S’ils viennent dans notre direction, oui, Amiral.
-Sérieusement, ils croient leur armement aussi puissant que ça ? Vous pensez qu’ils ont reçus un message provenant des quatre destroyers déjà détruits ?
-Peu probable, amiral.
-Compris. Restez en alerte, trouvez-moi ces vaisseaux. »

Quelques heures plus tard vint la confirmation. Les vaisseaux Krims se dirigeaient bien vers la Sixième Flotte. Hynta fit procéder à une légère modification de la trajectoire, et peu après, les officiers de surveillance confirmaient que les Krims effectuaient eux aussi des modifications de trajectoires.

« -Changements de vecteurs confirmé. Vaisseaux Krims toujours sur trajectoire d’interception.
-ETA ?
-Trente-trois heures.
-Ca nous laisse un peu de temps. Demandez une conférence d’urgence avec l’Amirauté. Il y a quand même un monde entre quatre destroyers et cette flottille.
-A vos ordres, amiral. »

Trois heures plus tard, les hologrammes de deux des plus hautes personnalités du Cercle apparaissaient dans la salle de conférence du Vengeance.

« -Haut-amiral Alktas, ambassadeur d’Arnor. Avez-vous été mis au courant de la situation.
-En effet, Amiral. Quel est le statut de la flotte ?
-Nous sommes prêts à engager le combat, Haut-amiral.
-Très Bien. Glen, nous pouvons donc le faire. Seulement, il y a derrière quelques risques.
-En effet. Le Conseil des Régents nous a donné le droit de répondre à toute attaque. Mais celle-ci risque de vraiment passer pour un acte de guerre.
-Vous ne préconisez quand même pas de les laisser faire ?
-Absolument pas. Nos choix sont limités. Des discussions devraient être en cours avec l’Empire Hermice. La Sixième Flotte est-elle en territoire neutre ?
-Affirmatif.
-Je serais d’avis pour la faire reculer quelque peu, amis soyez prêts à faire face à la Suprématie. »

Hynta regarda Alktas, quelque peu surpris. Il ne s’attendait pas à ce que l’ambassadeur leur conseille de battre en retraite.

« -Faîtes ce qu’il dit, Amiral. Reculez la flotte, mettons… A seize heures de voyage de votre position actuelle.
-Les Krims risquent de penser que nous fuyons. Que nous avons peur de leur force, peur de la guerre.
-Qu’ils le pensent ! Si cela les conforte dans leur stupide supériorité, ils auront une surprise quand ils se frotteront vraiment à nos vaisseaux.
-A vos ordres, Haut-amiral.
-Glen, Amiral Hynta, je serai d’avis pour que nous restions en contact. Il nous faudra juger de l’évolution de la situation.
-Je suis du même avis. Je vais déjà informer le Conseil des Régents de ce qui se trame. »

Hynta remonta quelques minutes plus tard sur la passerelle. Plusieurs dizaines de paires d’yeux étaient rivées sur lui, attendant les ordres.

« -Faîtes reculez la flotte. De seize heures.
-Amiral ?
-Vous avez bien compris les ordres, lieutenant !
-Euh, oui, désolé, amiral.
-Croyez-moi, je ne suis pas beaucoup plus enchanté que vous. Mais là-haut, ils préfèreraient quand même éviter une guerre.
-Reçu. »

Presque aussitôt, la flotte tout entière pivota, avant de disparaitre dans l’espace de distorsion, les vaisseaux propulsés par les générateurs Fulguria. Plus proche de la bordure du territoire de la Suprématie, et parfois même à l’intérieur, le Chimère et les Ombres guettaient la réaction des Krims, à ce qui s’apparentait à une simple fuite.

Quelques heures plus tard, territoire neutre.

« -Amiral, flotte repositionnée, en attente des ordres.
-Manœuvre de retournement, puis formation Diamant.
-A vos ordres. »

Quasiment à l’arrêt dans son référentiel, tous les vaisseaux de la flotte pivotèrent simultanément. Les frégates, agiles, effectuèrent rapidement la manœuvre, quand les vaisseaux lourds, notamment les destroyers Atrax et les croiseurs mirent beaucoup plus de temps. Forcément, Forcément, quand il fallait retourner des vaisseaux uniquement fait pour foncer en avant, détruisant tout sur leur passage, cela n’était pas forcément évident. Mais l’ennemi était encore loin, et Hynta disposait largement du temps nécessaire pour repositionner à sa guise les vaisseaux de la Sixième Flotte. Le retournement effectué, il n’eut plus qu’à donner à la flotte la forme voulue. Les vaisseaux se déplacèrent légèrement, étalement un peu la flotte sur la hauteur, formant ainsi un véritable cristal ou chaque vaisseau était à portée de tir des unités lourdes de la flotte. Défense maximale, bien qu’au prix d’une légère diminution de la puissance d’attaque.

« -Amiral, unités repositionnées. Quels sont les ordres ?
-Flotte en alerte Position de la flotte ennemie ?
-Toujours sur trajectoire d’interception, ETA n’a que peu diminuée du fait de notre déplacement, estimation, vingt-huit heures.
-Ca nous laisse du temps. Prévenez-moi à vingt si je ne m’en suis pas occupé d’ici là.
-A vos ordres.
-Vérifiez la totalité de l’armement à énergie de la flotte, je veux être sûr que tout sera prêt au besoin. Et mettez-moi en relation avec l’Amirauté en salle de conférence.
-A vos ordres. Je vous tiens au courant, Amiral. »

Hynta salua les officiers présents que la passerelle, avant de la quitter en direction de sa cabine. Il avait encore du boulot sur les stratégies de la flotte. Quand on passait son temps à étudier des simulations de combat à analyser les réactions et les possibilités, les heures passaient très vite. Les trois premières heures qu’il passa ne lui permirent pas d’obtenir des résultats satisfaisants.

« -Amiral, salle de conférence dans douze minutes.
-Merci, lieutenant. »

Hynta quitta donc sa cabine, et parcouru les longues coursives du Vengeance jusqu’à la salle de conférence. En tant qu’amiral, il avait la chance d’avoir sa cabine à mi-chemin entre la salle de conférence et la passerelle, ce qui lui permettait de se rendre rapidement à ces deux endroits. Le visage du Haut-amiral Alktas apparut bientôt devant lui.

« -Amiral Hynta, quelle est la situation ?
-Groupe Krim toujours en interception. Quels sont les ordres ?
-Les ordres sont de dissuader les Krims d’engager le combat pour éviter une escalade des violences. Vous êtes en revanche libres de répondre à toute attaque.
-Compris. Ça donne quoi, la diplomatie ?
-Nous allons avoir accès à la base de données des Hermices sur les Krims, ainsi que sur l’armement pour les combattre. Ils persistent à dire que notre armement sera inefficace contre les croiseurs Krims.
-L’armement cinétique, je peux bien, mais face à des ogives à fusion, permettez-moi d’en douter. Il n’y a pas des centaines d’armement différents, ils reposent tous plus ou moins sur les mêmes principes.
-Je pense la même chose, amiral, mais les Hermices ne sont pas du même avis. Par ailleurs, les ingénieurs de l’Amirauté sont d’ores et déjà en train de bosser sur les rapports que vous avez envoyés. Et ils sont déjà des idées.
-De quel style ?
-Une coque krims, à notre façon. Remplacez les cellules organiques par des cellules nano-robotiques.
-Pas bête… Blindage réactif et évolutif ?
-Tout juste.
-Ça pourrait être un très bon concept.
-C’est ce que nos blouses blanches ont l’air de penser. Mais je transmettrai vos impressions. Amiral, je n’ai plus rien à vous dire. Restez vigilants. »

Hynta salua son supérieur, avant de de retourner à ses études stratégiques. Ce furent quatre nouvelles heures qui passèrent sans qu’il ne s’en rende compte. Il descendit ensuite au mess des officiers se restaurer, avant d’être interrompu par la vigie des opérations.

« -Désolé de vous déranger Amiral, mais vous aviez demandé à être prévenu à vingt heures d’ETA.
-Je sais, merci Lieutenant. Je remonte dans quelques minutes. »

Chose promise, chose due, Hynta se retrouva sur la passerelle peu de temps après, observant la progression toujours rectiligne de la flottille Krim. Pour le moment, ils ne semblaient pas vouloir renoncer à pourchasser la flotte du Cercle.

« -Ouvrez un canal en clair, toutes fréquences dans leur direction.
-Fait.
-Groupe de combat Krim, ici la Sixième Flotte Coalisée du Cercle Shankari. Veillez deviez de votre trajectoire d’interception. Nous répondrons de toutes nos forces à une attaque, quelle qu’elle soit. Toute agression envers cette flotte sera considérée comme un acte de guerre, à l’encontre du Cercle Shankari et des membres de l’Alliance. Déclaration de guerre à laquelle l’Alliance se verra obligée de répondre par tous les moyens disponibles. »

Deux heures passèrent, sans qu’aucune réaction de l’ennemi ne soit visible. Visiblement, ils semblaient décidés à chercher l’affrontement.

« -Groupe de combat Krim, vous vous apprêtez à attaquer une flotte de combat de l’Alliance en mission, en territoire neutre et sans aucune raison. Une attaque injustifiée ne pourra rester impunie. Réfléchissez bien aux conséquences de vos actes avant de vous lancer dans une guerre que vous ne pourrez gagner. »

Deux nouvelles heures, sans la moindre réaction. A présent, il ne restait que seize heures avant que les flottes ne se rencontrent.

« -Groupe de combat Krim, la Sixième Flotte Shankari ne bougera pas de sa position actuelle. Vous vous apprêtez à attaquer une force plus importante en nombre, en tonnage et en puissance de feu. Vous ne pourrez pas gagner ce combat, mais vous entrainerez la Suprématie dans la guerre. »

Quatorze heures. Hynta, patiemment attendait, sachant que s’il n’obtenait pas de réponses, il allait être contraint de passer à l’attaque. La lente progression dans l’espace allait se transformer en bras de fer entre les deux commandants. Celui qui avait le plus de cran gagnerait, et à ce petit jeu, Hynta n’avait aucune intention de perdre. Il ne plierait pas face à cette misérable flottille que sa flotte pouvait anéantir en une seule passe.

« -Groupe Krim, ici la Sixième Flotte Shankari, deviez de votre trajectoire. Nous ne plierons pas, et nous répondrons à toute attaque. »

Quatre heures passèrent, sans la moindre réaction.

« -Ils veulent jouer à ça ? Très bien, relevez le niveau d’alerte et mettez la flotte en mouvement. Personnel paré au combat.
-Flotte en mouvement, amiral.
-Et ceci pour les Krims, Lieutenant. Groupe Krim, ici la Sixième Flotte Coalisée Shankari ! Ceci est notre dernier avertissement ! Deviez immédiatement de votre trajectoire, éloignez-vous de cette flotte ! Si vous persistez dans cette voie, nous engagerons le combat et vous serez détruits ! »

« -Commandants, je pense que vous voyez la situation venir. Les Krims cherchent l’affrontement, et vont tout faire pour nous narguer ou nous forcer à les agresser. Seulement, nous n’allons pas nous laisser faire. Si jamais nous ouvrons le feu, cela sera pour nous défendre. Interdiction formelle d’ouvrir le feu tant que je n’en ai pas donné l’ordre, est-ce que c’est bien clair pour tout le monde ? »

Tous les commandants de vaisseaux hochèrent la tête en signe d’approbation. Hynta n’en attendait pas moins, et de toute manière, ils savaient obéir aux ordres. Car la désobéissance, surtout en situation de combat, était très sévèrement punie par la cour martiale. L’amiral enchaina sans attendre.

« -En revanche, quand l’ordre sera donné, je veux toute la puissance de feu disponible dans la seconde. Vu ce qu’il y a en face, nous pouvons régler l’affaire en une ou deux salves. Question stratégie, la flotte restera en position défensive Diamant. Nous opterons pour une formation plus offensive au dernier moment, et seulement si besoin est. A priori, pas trop de risques vu ce qu’ils comptent nous opposer, mais nous ne prendrons aucun risque. Que cela soit clair, tout va se jouer sur la rigueur. Il y aura surement des tirs de sommations, qui passerons prêts de nos vaisseaux. Mais tant que nous n’aurons pas étés impactés, il n’y aura pas de riposte.
-Amiral, qu’en est-il de nos grilles de défenses ?
-Il faudra les régler de telles sortes qu’elles n’ouvrent le feu que sur les projectiles dont la trajectoire croise directement celle du vaisseau. Tous les autres projectiles seront à négliger. Celui qui aura les nerfs les plus solides gagnera, et nous ne perdrons pas face à eux à ce petit jeu. Nous déploierons quelques drones dès le début, afin d’être prêts à réagir à n’importe quelle attaque. Pas de questions ? Très bien. Commandants, soyez prêts. Confrontation dans un peu plus de trois heures. »

Les deux flottes se rapprochaient l’une de l’autre. D’un côté, la Sixième Flotte Coalisée au grand complet, dénombrant près de cent vaisseaux lourds, dont quinze croiseurs et un croiseur amiral. De l’autre côté, un groupe de combat Krim, totalisant seulement quinze destroyers, cinquante frégates, et un maximum de quatre-vingt corvettes. Le combat semblait inégal. Sur le coup, Hynta ne savait pas trop ce que cherchais les Krims. Soit ils étaient persuadés de leur supériorité, soit ils étaient complètement inconscients. Ou bien fous. Ou alors ils cherchaient juste à se faire attaquer pour déclencher une nouvelle guerre. Ne comptez pas sur moi pour me laisser prendre à votre petit jeu, pensa l’amiral. Je ne serai pas le responsable du massacre qui s’en suivrait. Hynta passa le reste du temps à attendre sur la passerelle. Quand on servait dans la Flotte, mieux valait être patient. Dans l’espace, les voyages les plus courts se comptaient en jours voir en semaines, et cela pouvait très bien prendre des mois et même des années. Certes, les portes permettaient de réduire les temps de parcours sur les routes les plus fréquentées, mais dans les immenses espaces vides du cosmos d’Oxus, il fallait se résoudre à utiliser les bonnes vieilles méthodes de déplacement.

« -Amiral, confrontation dans une heure.
-Compris. Transmettez à toute la flotte. On passe en combat imminent. »

Une heure. Une dernière petite heure après des dizaines à attendre. Sur le Vengeance et les autres vaisseaux, toutes les tourelles pointèrent vers l’avant, tandis que les pods de tubes lance-missiles sortaient pivotaient pour se mettre en position de tir. Tout était fin prêt pour accueillir l’ennemi, et les premières alarmes se mirent à sonner sur la passerelle du Vengeance.

« -Amiral, contact à trente minutes, en approche superluminique, mais forte décélération. Sortie imminente.
-Compris. Parés à l’émergence.
-Fulguria en procédure de sortie. Information transmise à la flotte. Confirmation d’état. Prêts pour sortie, dans cinq, quatre, trois, deux, un, émergence ! »

Les générateurs Fulguria diminuèrent progressivement les effets de distorsion qu’ils engendraient, jusqu’à ce que la Sixième Flotte se retrouve dans un espace conventionnel non alterné par les fluctuations. Devant elle avançaient les vaisseaux Krims. Les deux flottes purent enfin véritablement se jauger, et l’en pouvait se rendre compte de l’inégalité du combat. Si sur la longueur, les vaisseaux Shankaris étaient collés les uns aux autres, on arrivait au résultat approximatif de quarante kilomètres au point le plus long, soit dans l’axe du Vengeance. La flotte Krim n’était pas même pas aussi étendue. Les vaisseaux Shankaris ne se touchant évidemment pas, la Sixième Flotte s’étendait en tout sur près du double, soit quatre-vingt kilomètres.

« -Groupe de combat Krim, ici la Sixième Flotte Coalisée Shankari. Ceci sera notre dernier message, et également votre dernière chance de quitter la zone. Nous sommes prêts à répondre à toute agression, et nous n’hésiterons pas à le faire. VCS Vengeance, terminé.
-Vous pensez vraiment qu’ils vont reculer comme ça, Amiral ?
-Non. C’est uniquement pour la forme.
-La diplomatie ?
-Exactement. Mais j’ai toujours préféré l’artillerie. Lieutenant, toute la flotte parée à l’attaque !
-Flotte en attente des ordres, Amiral !
-Laissons les Krims réagir. Je veux voir ce qu’ils veulent vraiment. »

Les deux flottes se rapprochaient lentement l’une de l’autre. Les vaisseaux Krims furent les premiers à ouvrir le feu, à l’aide de projectiles longue portée, quand les tourelles plasmas du Cercle étaient encore inutiles. Les senseurs des vaisseaux du Cercle ne mirent qu’une fraction de seconde pour déterminer la trajectoire des projectiles, qui s’affichèrent sous la forme de courbes pointillées sur les écrans tactiques du Vengeance. Au fur et à mesure qu’ils avançaient, les lignes pointillées étaient remplacées par des lignes continues de la même couleur, signalant la progression. Hynta observa presque indifférence les données.

« -Des tirs de sommation…
-Affirmatif, Amiral. Ils passeront à plus de dix kilomètres des vaisseaux latéraux de la flotte.
-Prévisible. On reste en attente. »

Les Krims tirèrent de nouveau, rapprochant leurs tirs de quelques kilomètres. Une nouvelle fois, les projectiles passèrent à côté de la flotte du Cercle, qui ne répondit pas. La troisième salve de tir fut encore plus ajustée, et manqua de peu une corvette s’étant légèrement décalée de sa trajectoire.

« -Ils ont voulus jouer, alors jouons. Déployez les drones dans l’avant-garde, une escadrille de Malefis, idem pour les Aneantis. Deux pour les Mortis. Artillerie cinétique, douze tirs longue portée. Qu’ils sentent les obus les frôler. »

Deux-cent drones intercepteurs, ainsi que cent drones multirôles et autant de bombardiers se mirent bientôt à virevolter dans l’avant-garde de la flotte. Sur les Salvis formant cette dernière, les canons électromagnétiques pivotèrent, ajustant leur angle tir à la milliseconde d’arc. Les projectiles cinétiques n’étant pas dotés de systèmes de propulsion intégrés, tout reposait sur la précision au lancement. Et sur des distances aussi grandes que dans l’espace, la plus infime variation d’angle pouvait avoir comme conséquence une différence de plusieurs kilomètres avec la trajectoire voulue. Cette fois-ci, ce fut au tour des vaisseaux de la Suprématie de passer à deux doigts de l’impact. Mais cela ne les fit pas reculer pour autant.

« -Très bien… Lieutenant, deux missiles. Faîtes les exploser à côté d’eux, sans pour autant qu’ils ne soient touchés.
-A vos ordres, Amiral. »

Un croiseur de l’avant-garde lâcha deux missiles, qui se séparèrent, chacun décrivant une large courbe, les ramenant sur les deux côtés de la flotte Krim. La détonation devait avoir lieu assez loin des vaisseaux ennemis, si bien que les deux missiles s’écartaient d’eux, ce qui permettait en plus d’éviter tout risque d’interception. Les deux charges à fusion explosèrent simultanément. L’espace s’embrasa localement, tandis qu’une immense de choc s’étendait à une vitesse folle, accompagnée d’une grande quantité de radiations. Avec la distance, les effets diminuèrent, pour être à peine perceptibles au niveau des coques Krims. Pas de dégâts, mais le message était clair, sauf qu’Hynta n’entendait pas se contenter de ça.

« -Obus cinétiques. Douze de chaque côté de la flotte Krim. Et puis… Vous pouvez en faire passer quelques-uns au milieu de la flotte ?
-Au centre ? Un instant Amiral… Faisable. Mais ça risque d’être juste.
-Mettez ce que vous pouvez au centre. En espérant qu’ils ne changent pas de trajectoire au dernier moment. Sinon, tant pis pour eux.»

Une nouvelle fois, les tubes des canons pivotèrent, avant de propulser les obus à travers l’espace. Les projectiles passant sur les bords de la flotte frôlèrent les vaisseaux légers, tandis qu’au centre, la distance entre les obus et les vaisseaux ne devaient pas dépasser la cent aine de mètres, soit une distance ridicule devant la taille des vaisseaux et la distance parcourue.

« -Très belle salve, lieutenant.
-Merci, Amiral.
-Toujours rien en face ?
-Négatif. Ils arrivent presque dans l’enveloppe de tir.
-Très bien. »

Hynta respira un bon coup. Il savait que la décision qu’il allait prendre risquait d’influer sur un grand nombre de choses.

« -A toute la flotte, ici Hynta. Sur mon ordre, pleine salve de tirs plasmas. Tirs touchants. »

Sur les écrans du Vengeance, les vaisseaux Krims s’approchaient de l’ellipse violacée indiquant la portée de tirs des vaisseaux du Cercle. Puis les senseurs détectèrent un unique projectile, que sa trajectoire amenait droit sur un des destroyers béliers de l’avant-garde.

« -Ils le font exprès ?
-Tant pis pour eux. A toute la flotte, tenez-vous prêts. »

Le projectile fonçait droit sur la proue densément blindée du destroyer. Les défenses rapprochées de celui-ci firent feu lors de l’approche finale, et des centaines de traits lasers furent concentrés sur une seule et unique cible. Le projectile fut littéralement déchiqueté en milliers de morceaux.

« -Groupe de combat Krim, ici la Sixième Flotte Coalisée du Cercle Shankari, en mission opérationnelle pour l’Alliance. Vous venez d’agresser, en territoire neutre, une flotte militaire du Cercle en mission opérationnelle et à travers elle, l’Alliance. Préparez-vous à en subir les conséquences. »

Le terme d’agression était peut-être un peu pour désigner un unique tir au but, mais l’acte était là. C’était tout ce que voulait Hynta pour voir riposter. L’avant-garde de la Suprématie était à quelques secondes d’entrer dans l’enveloppe de tir effective.

« -A toute la flotte, ouvrez le feu ! »

Des centaines de boules de plasma fendirent soudainement l’espace, tranchant dans sa noirceur quasi absolue. Quand les Krims entreraient dans l’enveloppe de tir, ils seraient déchiquetés par l’énergie dégagée par le flux d’atomes ionisés accéléras à haute vitesse. Mais ce ne fut pas ce qui se passa. Au dernier moment, tous les vaisseaux Krims piquèrent les côtés, le haut ou le bas, dégageant de justesse l’endroit où se concentraient les boules de plasma. Ces dernières fendirent le vide au lieu de fendre les coques, tandis que les Krims effectuaient des manœuvres aléatoires en se retournant. Hynta bondit hors de son fauteuil.

« -Halte au feu ! »

Espace neutre, juste après le premier engagement.

La discipline, fer de lance de la flotte Shankari, avec ses vaisseaux. Pas un projectile solide ou d’arme à énergie supplémentaire ne quitta les vaisseaux de la flotte, tandis que les canons plasma, qui avaient déjà commencé la recharge pour la salve suivante, laissaient tranquillement l’énergie se dissiper dans les systèmes de sécurité. Les Krims s’enfuyaient sans demander leur reste. Visiblement, ils ne devaient pas s’attendre à ce que le Cercle réponde réellement en déployant toute sa puissance ; sans doute pensaient-ils que l’Alliance les craignait trop pour oser les attaquer.

« -Merde. Ça, ce n’était pas non plus au programme. Gardez un contact sur l’ennemi. Demandez l’ambassadeur de Dilawa et Alktas, salle de conférence, en urgence ! »

Dans l’heure, le diplomate et le commandant suprême de la Flotte Coalisée observaient attentivement les enregistrements rapportés par le Vengeance. Alktas et d’Arnor semblaient eux aussi perplexe. L’ambassadeur fut le premier à exprimer son ressenti.

« -Étrange, en effet.
-Au final, enchaina Alktas, il n’y pas grand-chose à dire. Ils nous menaçaient, on les a prévenus, ils nous ont attaqués, on a répondu.
-Ce qui m’étonne juste, Haut-amiral, c’est pourquoi ils ont rompus le combat. S’ils se croient supérieurs à nous, pourquoi n’ont-ils pas continué ?
-Ils ne sont peut-être pas totalement inconscients. Contre votre Sixième Flotte, leurs chances de victoires étaient quasi-nulles… Pour ne pas dire nulles.
-Dans ce cas, quel sont les ordres, Haut-amiral ?
-Maintenez la mission, Hynta. Restez en patrouille, vous pouvez vous rapprocher quelque peu de la zone frontalière. Pas mesure de précautions, je vais repositionner les escadres de la Septième Flotte près de nos différentes planètes. On ne sait jamais, la Suprématie pourrait très bien revenir en force
-Si c’est le cas, il y a fort à parier qu’ils voudront dégager un couloir jusqu’à Irinat Mincor.
-En effet. La planète et ses Infernax se tiendront prêts. Ambassadeur, je vous suggère de prévenir le Conseil des Régents des récents évènements.
-J’y compte bien. Décidément, vu qu’il va aussi y avoir de la paperasse pour les Hermices à faire, la diplomatie extérieure risque d’avoir du boulot. Messieurs, n’ayant rien d’autre à voir, je vais vous laisser.
-Très bien, Ambassadeur. »

D’Arnor prit congé, laissant les deux officiers de la Flotte à leurs discussions tactiques.

« -Bien. Hynta, relayez aux Ombres. Traquez moi ce groupe de combat, je veux savoir où il va, et s’il peut avoir des renforts. Restez sur vos gardes, Amiral. En cas de nouveau contact hostile, vos ordres sont les mêmes.
-A vos ordres. »

Hynta remonta rapidement sur la passerelle, et fit transmettre ses ordres à la frégate furtive la plus proche, la même qui suivait le groupe de combat depuis sa découverte. L’Ombre accusa réception peu après, changea de trajectoire, pour se rapprocher du sillage des vaisseaux Krims, en restant malgré tout à plus d’une dizaine d’heures de trajet, ce qui faisait un marge de sécurité raisonnable.

Frégate de classe Ombre, quelque part dans l’espace Krim.

« -Directives actualisées, capitaine.
-J’ai vu. Continuez de suivre. Extrapolation de trajectoire ?
-A première vue, une planète tellurique qui servirait d’avant-poste. Elle ne serait pas habitable, mais on  y trouverait plusieurs installations orbitales. Plateforme et de ravitaillement et bassins de radoub.
-Compris. On reste derrière. Préparez les sondes pour  une analyse approfondie de la zone. »

Pour l’Ombre, le voyage dura encore plus de deux jours. Les vaisseaux Krims s’étant aventurés hors de l’espace de la Suprématie, il fallait tout d’abord le regagner, puis rejoindre la planète. Dans l’immensité de l’espace, il n’y avait pas grand-chose à faire, si ce n’était attendre, tout en surveillant les mouvements ennemis. La frégate profitait du cône de perturbations générées par les propulseurs Krims pour masquer son approche, bien qu’elle ne risque déjà pas grand-chose. Une unique frégate furtive, sous silence d’émissions électromagnétiques, et équipée avec des propulseurs à faible signature, c’était presque impossible à dénicher. Comme pressenti, les vaisseaux Krims finirent par s’arrêter près des installations avancées. Pas besoin de réparations, mais surement un rapide ravitaillement et autres opérations de routines. En arrivant, quelques heures plus tard, la frégate eut la surprise de détecter grâce à ses senseurs passifs un convoi de vaisseaux de transports.

« -Tiens donc. Il semblerait que les installations soient elles-mêmes en train de se ravitailler.
-Capitaine, je détecte beaucoup d’émissions énergétiques. Je pense qu’il y a plus que prévus dans la zone.
-Très bien déployez des sondes. Je veux au minimum quatre relais entre la sonde d’observation et la frégate. »

Se servir de sondes comme relais, c’était une sécurité supplémentaire. Si jamais la sonde qui scannait la zone était détectée, l’ennemi devrait débusquer les sondes faisant office de relais s’ils voulaient tomber sur le véritable vaisseau… Qui serait parti bien avant. Initialement propulsées par des canons électromagnétiques spécialement étudiés, les sondes se laissèrent dériver, corrigeant ici et là leur trajectoire  à l’aide d’antiques bombonnes de gaz sous pression. Mine de rien, c’était le moyen de propulsion le plus discret possible, car personne ne pouvait détecter cela dans l’espace. Pas de combustion, pas de réactions chimiques ; donc pas d’émissions thermiques, ioniques, électromagnétiques. Juste un peu de gaz qui s’échappait. Ce moyen rudimentaire n’était malheureusement efficace que sur les plus petits objets voyageant dans l’espace : impossible de déplacer un croiseur avec ce moyen-là. La mise en position des sondes nécessita à son tour quelques heures.

« -Capitaine, sondes déployées. Sondes relais prêtes pour émissions dirigées. Sonde originelle en attente d’émission.
-Compris. Scan pulsé, délai d’émission et intensité au minimum. Ne prenons pas de risques. »

La sonde fit son œuvre, rendant à la frégate une image précise des installations de la Suprématie. Et visiblement ce qui ne devait être qu’un avant-poste ressemblait plus à une base de projection avancée.

« -Capitaine, les bassins de radoub sont beaucoup plus gros que les destroyers. Ils doivent être prévus pour accueillir des vaisseaux de types croiseurs.
-Bon à savoir. Quoi d’autres ?
-Présence de défenses orbitales. Semblables à nos canons de défense planétaires, à la sauce Krim. Infrastructures lourdes, potentiellement des unités logistiques ou de production. Forte capacité de stockage de personnel ou de matériel à présumer.
-Fichtre. Relevez les coordonnées.
-Un instant, capitaine… Fait. Attendez, je relève aussi des émissions vers la surface de la planète. Impossible de savoir quoi exactement, mais je pense qu’il y a quelque chose au sol.
-Unités minières ?
-Peut-être capitaine, je ne peux rien affirmer.
-Estimation de la capacité des installations ? En termes de vaisseaux j’entends.
-Eh bien… Si on considère qu’ils ont besoin  d’autant de place et d’installations que nous pour un vaisseau… Cette station doit pouvoir gérer un groupe de combat de cinq ou six croiseurs, vingt destroyers, et quelques dizaines de frégates.
-Sérieusement ?
-Je ne fais qu’extrapoler, capitaine.
-Je sais, mais ça veut quand même dire qu’on peut avoir mis le pied sur une base opérationnelle. »

Aux alentours de la base Krim.

« -Ne prenons pas de risques. Passez en mode radar bistatique. Première sonde relais en mode récepteur.
-Configuration en cours, et réorientation. Temps estimé, deux minutes. »

Une fois que la sonde réceptrice fut correctement réorientée, l’Ombre reprit son espionnage. En séparant ainsi la source d’émission de la station réceptrice, les chances d’être repéré diminuaient, et celles de voir son signal brouillé faisaient de même. Rapidement, les informations à traiter affluèrent sur les écrans des opérateurs radars, tandis que sur la passerelle, le capitaine et ses officiers restaient attentifs aux éventuelles menaces. A quelques centaines de millions de kilomètres d’eux, les vaisseaux cargos Krims commençaient à s’amarrer aux installations orbitales à et décharger leur cargaison. L’opération était bien différente de ce qui se faisait dans les infrastructures de l’Alliance : ici, pas de vérins hydrauliques, pas d’accroche magnétiques, pas de sas pneumatiques. Toute la technologie Krim reposait sur les modifications génétiques, et cette technologie s’incrustait absolument partout, jusque dans l’armement des vaisseaux de guerre de la Suprématie. Alors que la représentation en trois dimensions de la base avancée s’affinait, une alarme retentit bientôt sur la passerelle.

« -Capitaine, alerte d’écho sur la sonde émettrice.
-Quoi ? Ils nous cherchent ?
-Difficile à dire, capitaine. Attendez, deuxième signal écho. Troisième. Ils passent le coin au crible.
-Coupez les communications avec l’émetteur. Toutes les sondes et la frégate en mode passif. »

A l’instant où les sondes perdaient le signal avec le vaisseau mère, elles se mettaient immédiatement en mode veille. Seuls restaient actifs les capteurs électromagnétiques de détection de présence immédiate. Leur seul rôle était de prévenir la sonde si jamais un vaisseau s’approchait dans un rayon de quelques dizaines de kilomètres, ce qui avait pour conséquence l’amorçage immédiat d’une charge explosive. A la détonation, cette dernière réduisait la sonde à l’état de poussière, pour ne laisser aucune trace de ses propriétaires. Ce dispositif avait été mis en place après qu’une mission d’espionnage du Cercle, durant la deuxième grande guerre, ait été repérée. Le vaisseau mère, obligé de fuir, avait laissé derrière lui ses sondes, et les agresseurs n’avaient eu aucun mal à remonter jusqu’au Cercle. L’affaire avait fait du bruit à l’époque, mais face aux évènements guerriers, les poursuites contre le Cercle avaient vite été abandonnées. Depuis, les sondes étaient construites avec des matériaux et composants de base, trouvables sur presque n’importe quelle planète évoluée, et quelques protocoles de sécurité avaient été ajoutés. A bord de l’Ombre, le temps s’était comme figé. Propulseurs coupés et spectre d’émissions vide, la frégate attendait. Fuir n’était pas la meilleure des solutions, car les Krims sauraient que quelqu’un les observaient. Le meilleur atout de la frégate, c’était sa discrétion : si l’ennemi en venait à la conclusion qu’il n’y avait personne, alors il relâcherait sa vigilance.

« -Ça donne quoi ?
-On a toujours quelques échos sur les senseurs passifs, mais rien de focalisé, ni d’intensité élevé. Je ne sais pas ce qu’ils font, mais ce n’est pas comme ça qu’ils vont nous trouver.
-Tant mieux. Faudra m’expliquer quand même, comment ces… Choses font pour émettre sur le spectre électromagnétique avec des cellules organiques.
-Il suffit d’avoir une source de rayonnement naturel, un minerai radioactif, et ils ont très bien pu trouver le moyen de le moduler en fonction de leurs besoins.
-Intéressant. Et très ingénieux. Prévenez-moi quand on ne sera plus surveillé, je descends voir ce que donnent les données collectées. »

L’officier quitta la passerelle, et descendit donc dans les ponts inférieurs, où les analystes continuaient d’éplucher les données, même s’ils n’en recevaient plus de nouvelles.

« -Capitaine sur le pont !
-Repos, lieutenant. Je viens voir ce que ça donne.
-Regardez ça, alors. »

Le responsable afficha un hologramme de la planète tellurique, ainsi que des installations orbitales. Le capitaine s’en approcha, et commença à le manipuler, zoomant sur les infrastructures de la Suprématie. Le niveau de détails était impressionnant, pensa-t-il.

« -Que pouvez-vous me dire là-dessus ?
-Les estimations de votre équipage semblent correctes. Capacité de cinq ou six croiseurs, vingt destroyers, et quelques dizaines de frégates. Plus quelques milliers de personnes dans les stations, et en capacité de stockage, de quoi remplir un de nos transporteurs Imperium. Voir deux.
-Pas mal. Du point de vue défensif ?
-De quoi donner du fil à retordre à des unités légères, bien qu’un groupe de croiseurs puisse passer là-dessus sans problèmes. Sur les installations, les classiques défenses légères de proximité. Autour, quatre canons lourds, d’un calibre s’approchant à ceux autour de nos planètes.
-Une idée de leur capacité de repositionnement ?
-Négatif, capitaine. On ne connait pas assez bien les Krims pour ça. Mais bon, avec quatre, ils ne pourront pas tout couvrir. Et puis la station est en orbite géostationnaire, et je ne vois pas de systèmes de détection sur l’autre hémisphère de la planète.
-S’en servir pour masquer l’approche ?
-Affirmatif. En revanche, ce qui m’inquiète, c’est ce qu’il y a au sol. L’atmosphère est extrêmement dense, et l’élément majoritaire est le dioxyde de souffre. On ne voit rien à travers, sans compter que la ionosphère est très active.
-Dioxyde de souffre ? Comment peuvent-ils envoyer du monde en bas ?
-On pourrait aussi, mais il faudrait que la totalité du personnel soit équipé d’une cuirasse de combat comme celle des fusiliers de la Flotte. Bref, je n’ai aucune idée de ce qu’il y a dessous. Peut-être juste des mines, mais aussi de la défense planétaire. Détail à ne pas négliger.
-En effet. Merci des infos, lieutenant. Vous pensez que ça peut être utile de rester dans le coin ?
-Niveau données structurelles, on n’aura pas grand-chose de plus. En revanche, on peut rester dans le coin si jamais on veut récupérer des infos supplémentaires, à propos de la fréquence des ravitaillements, des passages de flotte…
-Mouai. Éventuellement. Vous pourrez rentrer les sondes dès qu’ils auront arrêtés leurs scans.
-Compris. »

Quelques minutes plus tard, le capitaine était de nouveau sur la passerelle de la frégate furtive.

« -C’est bon capitaine. Plus d’échos depuis que vous êtes descendus, en fait.
-Très bien. Dîtes aux analystes de ramener leurs jouets à bord, on passe en surveillance longue durée. Gardez uniquement le passif, le seul truc qu’on veut ce sont les mouvements de vaisseaux aux alentours.
-Compris. Capitaine, si je puis me permettre, il y a une sorte de ceinture d’astérides pas. On pourrait la rejoindre.
-Une centre ? Autour de quoi ?
-Pas vraiment une ceinture, plus un banc d’astéroïdes, si vous me passez le terme.
-D’accord. Dès que les sondes sont à bord, on y va. Mais sans se faire griller. »

Encore une fois, l’équipage du faire face aux longues heures d’attente le temps de récupérer les sondes. Quand elles s’approchèrent lentement de la frégate, des bras robotisés les saisirent, avant de les ramener dans les soutes du vaisseau. Les portes blindées furent verrouillées, avant que la frégate ne pivote en direction des astéroïdes. Encore des heures de trajet : l’équipage y était habitué, mais c’était souvent difficile pour les nouveaux matelots, car seules répondaient les longues attentes quotidiennes à leurs rêves de gloire et d’action.

« -Capitaine, nous sommes en place, et masqués par les astéroïdes environnants.
-Très bien, un unique signal au Vengeance pour les prévenir de ns intentions, prenez les précautions habituelles. Maintenant, il n’y a plus qu’à attendre…»

Ceinture d’astéroïdes, quelque part autour de la base avancée de la Suprématie.

Des heures, puis des jours passèrent. Attente interminable mais tellement courante dans les longues missions de reconnaissance qui sillonnaient aujourd’hui l’espace d’Oxus. La frégate attendait, tapis dans l’ombre, tel un prédateur guettant sa proie. Dissimulée par les morceaux de roche flottant à proximité, elle était indétectable, et plus rien ne pouvait l’empêcher d’accomplir sa mission, à savoir faire l’inventaire des vaisseaux Krims qui passaient se ravitailler autour de la base. Seulement, pour l’instant, seul le groupe de combat qui avait osé faire face à la Sixième Flotte Coalisée s’était arrêté. Pas une seule frégate de la Suprématie n’était passée dans les environs, mais la base semblait pourtant capable d’accueillir des vaisseaux immensément plus gros.

« -Et alors Capitaine ? On ne va pas attendre ici indéfiniment !
-En effet. Mais ça m’étonnerait quand même que la Suprématie ait construit quelque chose d’aussi imposant uniquement pour y parquer quelques destroyers. A-t-on une connaissance du réseau de portes Krims ?
-Pas grand-chose, capitaine.
-Où est la plus proche ?
-En voyage conventionnel… A un mois d’ici.
-Ok, on laisse tomber. On ne va pas rester planquer un mois ici, déjà qu’il nous faut bien trois jours pour rejoindre la Sixième Flotte et profiter de ses croiseurs. Les autres frégates sont encore plus loin, et elles ne devraient pas tarder à rentrer elles aussi. Combien de temps de trajet ?
-Le Vengeance est en mouvement avec la flotte, temps de voyage… Cinq jours.
-Ils ont dû utiliser les générateurs à distorsion… Bon, tant pis, prévenez-les qu’on arrive. »

Après quelques minutes d’attente, le temps de transférer les différentes informations au Vengeance, l’Ombre pivota, et alluma ses propulseurs. Camouflée par les immenses rochers dérivant dans le vide interplanétaire, la frégate quitta lentement l’espace Krim. Au final, sa mission n’avait pas été aussi concluante que prévue : l’équipage aurait aimé débusquer quelques vaisseaux Krims supplémentaires, mais cette base avancée était déjà une bonne prise. Le Cercle pourrait de temps à autres lancer une rapide mission de reconnaissance, histoire de voir si elle accueillait d’autres bâtiments, mais pour le moment, sa présence sur les cartes de l’Alliance suffisait. A l’avenir, les flottes alliées sauraient d’où pourrait provenir le danger, ce qui était un atout non négligeable. Sur le trajet, le capitaine de la frégate apprit que les autres Ombres avaient reçu l’ordre de rentrer, les dernières attendraient le Vengeance dans un peu plus d’une semaine. En attendant, tout ce que la flotte pouvait, c’était attendre, à moins qu’une nouvelle menace Krim se profile à l’horizon. Malheureusement, il n’en fut rien, jusqu’à l’arrivée au sein de la Sixième Flotte des dernières frégates furtives, il s’écoula pour l’équipage du Vengeance prêt de deux cents heures. L’espace pouvait être plus que captivant durant les grandes batailles spatiales, mais la plupart du temps, il restait vide d’intérêt et dénué de toute trace d’animation. Les échauffourées avec la Guilde Pirate n’étaient que des gouttes d’eau dans un désert, et le conflit Krim en était au même stade. Seuls deux conflits avaient durablement perturbé l’espace d’Oxus, et le dernier datait maintenant de prêt d’une quinzaine d’année.

VCS Vengeance, au même moment.

« -Voici donc les dernière positions connues des Krims, plus ce qu’on vient de trouver.
-Parfait, je vais répartir mes escadres de manière à couvrir tout le secteur quatre. Si les Krims doivent s’approcher, ils viendront par là. »

Dans la salle de conférence du vaisseau-amiral de la Sixième Flotte, le commandant en chef de ladite flotte discutait avec son homologue de la Septième, qui était en chemin avec son propre Infernax, l’Acharné. La Septième, dont les différentes escadres opéraient indépendamment, avait reçu l’ordre de venir en renfort des forces de défenses planétaires qui patrouillaient habituellement dans le secteur pour surveiller la frontière. Alors, son commandant avait décidé de venir prendre des nouvelles auprès de la Sixième Flotte, pour écouter les observations d’Hynta. Même s’il était peu probable que la Suprématie s’aventure dans le territoire du Cercle, mieux valait être prudent.

« -Cela me parait une bonne idée. Pour ma part, j’attends que les frégates Ombre fassent la jonction avec la flotte, puis nous regagnons l’espace du Cercle. Notre mission ici semble terminée, et je pense que ces satanés parasites ont compris le message.
-Espérons-le. Sinon, il faudra nous y frotter.
-Vous pourrez compter sur mon soutien. Amiral Konova.
-Amiral Hynta. »

Les deux officiers généraux se saluèrent avant de rompre la communication. La Septième Flotte n’avait plus qu’à patrouiller pour assurer la sécurité des frontières de l’Alliance. Hynta soupira. Maintenant, il lui fallait attendre. Heureusement pour lui, son attente prit fin exactement cent quatre-vingt-dix-huit heures et trente-trois minutes plus tard, quand la dernière frégate arriva, et se positionna avec le reste de la flotte. Une semaine de délai, c’était pour lui une broutille, après des années à servir dans la flotte.

« -Amiral, toutes les frégates sont positionnées dans le champ d’action des générateurs Fulguria. La Sixième Flotte est également prête.
-Compris. Verrouillez les vecteurs de distorsion. Porte la plus proche ?
-Trois heures, Amiral.
-Parfait ! A toute la flotte, saut immédiat. »

Dans les immenses croiseurs, les générateurs de distorsion plièrent l’espace-temps, le comprimant au-devant de la flotte et de détendant de l’autre, permettant à la Sixième Flotte de se déplacer plus vite que les propulseurs conventionnels ne le feraient jamais. En trois heures, elle parcourut plus de distance qu’en une semaine de voyage conventionnel, jusqu’à arriver auprès de la porte du Cercle suffisamment grande pour le Vengeance la plus proche. Sauf exception, les flottes du Cercle avaient priorités sur n’importe quelle autre flotte pour le passage des portes, aussi n’eut elle pas beaucoup à attendre.

« -Sixième Flotte, vous entrez dans la zone d’attente. Attention, flotte marchande en approche, sortie estimée dans six minutes. Dégagez la zone rouge jusqu’à sa sortie. »

La zone rouge, c’était le nom donné à la partie de l’espace juste devant la porte, car la plus dangereuse. Quand l’utilisation des portes n’était qu’à ses débuts, c’est là que se produisaient les accidents les plus graves. Le scénario était presque toujours le même : une flotte qui s’apprêtait à utiliser la porte se faisait percuter par une qui en sortait. Ces incidents à répétition avaient donné naissance à un système de sécurité draconien, et depuis, plus aucun incident n’était à signaler. La flotte marchande émergea de l’immense structure à l’heure dite, et laissa rapidement la place à la Sixième Flotte.

« -Sixième Flotte, veuillez nous confirmez votre destination.
-Compris contrôle, transfert en cours.
-Bien reçu. Vérification du trajet… Confirmé, trajet stable et sécurisé. Vous êtes autorisés à emprunter la porte. »

La flotte toute entière s’engouffra dans le halo bleuté à l’intérieur de ces immenses anneaux. Les vaisseaux disparurent les uns après les autres, comme happés par une force incommensurable, et furent propulsés à l’autre bout de l’espace du Cercle. Quand elle passa la porte d’arrivée, la Sixième Flotte se retrouva non loin d’une colonie du Cercle, en l’occurrence son port d’attache. Sur son fauteuil de commandement, Hynta fixa la boule de roche habitée devant lui.

« -Et une nouvelle mission de remplie… A tout l’équipage, mission accomplie, bienvenue à la maison ! Organisez vos descentes à terre avec vos chefs d’équipe. Astreinte minimale obligatoire. »